La société est de plus en plus consciente de l'existence de personnes dont l'identité de sexe et de genre diffère des normes sociales admises. L'émergence de cette réalité va de pair avec la connaissance des difficultés auxquelles ces personnes doivent faire face : traumatismes physiques et psychologiques (suite notamment à des traitements médicaux dans l'enfance), difficultés dans le milieu familial et social, discrimination à l'école et pendant les études, sur le lieu de travail, harcèlement, violence, refus d'accès à cetains services, risque de suicide plus élevé, de toxicomanie et de pauvreté, ...

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BOO a laissé carte blanche aux organisateurs des premières universités d'été des intersexes et des intergenres d'europe qui se sont tenues à paris du 16/8 au 19/8/06.

1ère partie (2766 Ko)
2ème partie (2899 Ko)
3ème partie (2875 Ko)
4ème partie (3155 Ko)

 


RETRANSCRIPTION D'EXTRAITS DE L'EMISSION


Programme des universités d'été

Pourquoi ces universités d'été et genèse ?

Définition

L'intersexualité est un terme médical mais que nous avons pour la plupart repris et qui définit généralement les états anatomiques qui expriment une variabilité entre le sujet masculin mâle et le sujet féminin femelle. Tous les jours, des enfants naissent avec une anatomie ambiguë, c'est-à-dire une forme intermédiaire entre le masculin classique et le féminin classique ; on appelle ces enfants "intersexués" ; on parle aussi d'hermaphrodisme, d'hermaprhoditisme. On parle également des niveaux hormonaux, biologiques dans des cas où il y a un mélange hormonal masculin/féminin, ou chromosomiques, certains sujets présentant également des chromosomes et féminins et masculins ;

 

Histoire du mouvement intersexe/intergenre en europe

Les premières associations d'intersexués ont démarré dans les pays anglophones il y a 10/13 ans. En europe on a pris un peu de retard et le mouvement a démarré il y a 2/3 ans, ainsi qu'en angleterre et en Belgique ça remonte à une petite année.
Le besoin des personnes intersexuées et intergenres est de pouvoir se retrouver ensemble car on est tous isoléEs ; on pense que l'on est tout seul au monde. Il est donc important que le mouvement soit bien structuré et bien organisé afin d'être le porte parole des êtres humains qui sont différents et ensuite aussi de pouvoir apporter un soutien aux personnes qui se découvrent intersexuées et soutien également aux familles, aux partenaires et aux proches qui se trouvent confrontés à ce problème perturbant les relations familiales.

Arthur, présent lors de l'émission apporte son témoignage et pourquoi il a rejoint l'association et ce qu'elle apporte : "au départ, on se sent bizarre, et on se rend compte que d'autres se sentent aussi bizarres que nous, voire pire ; l'organisation apporte beaucoup d'informations car les médecins, les parents ne nous disent pas tout, nous cachent beaucoup de choses, ils nous mentent et à travers les témoignages d'autres personnes, on arrive à se renseigner, à creuser et on ose parfois tenir tête à des médecins qui ne nous écoutent pas et on ose aussi avancer car parfois on baisse les bras en se disant que ce n'est pas la peine d'insister, on est bizarre et rien ne changera et l'association est là pour nous soutenir, nous aider à avancer ; je suis là, je dis ce que je pense mais d'autres n'osent pas parler, dire qu'ils ne sont pas dans les normes et le fait que l'on se rassemble ça nous aide à moins nous sentir seuls"

D'un point de vue anthropologique, l'organisation travaille entre autre, sur le sens que les personnes intersexuées vivent autour de leurs corps et comment le sujet se construit dans le dispositif de la différence des sexes. Pour beaucoup de gens, cela semble évident que les genres peuvent être différents d'une culture à l'autre, d'un pays à l'autre et que le genre est construit socialement par contre lorsqu'on l'affirme pour le sexe, cela le semble moins.

Pour la majorité des gens, le sexe fait partie de la nature et elle est divisée de façon binaire. Nous ne sommes pas d'accord avec ces prémices ; ce n'est pas pour rien que l'on dit qu'il y a des enjeux de pouvoir derrière tout cela. On vit dans une société hétéro patriarcale où le corps féminin doit correspondre à un genre féminin et doit avoir une sexualité hétérosexuelle. Il n'y a pas que les intersexués qui interrogent cette construction sociale, il y a beaucoup d'autres personnes dont les homosexuelLEs et les TranssexuelLEs.

C'est vrai que l'on a toujours tendance à parler de notre intersexualité ou de notre intergenralité mais il faut toujours que l'on raccroche les wagons sur la synergie qu'il y a avec d'autres combats notamment le combat féministe mais aussi le racisme mais aussi, par exemple, l'excision en afrique ou au moyen orient ; il y a beaucoup de personnes transsexuelles, transgenres autour de nous qui viennent régulièrement et participent à ce que l'on fait. C'est vraiment un apport important pour l'ensemble de la société. Ce n'est pas seulement notre combat de personnes qui ont été mutilées, de personnes à qui on a nié leur existence, c'est aussi un combat beaucoup plus universel.

OII fait aussi beaucoup d'accompagnement de personnes HIV, de transition de personnes transsexuelles. Les vécus sont parfois très lourds. Plus les personnes sont âgées plus elles ont un passé qu'il ne faut peut-être pas oublier mais qu'il faut gérer. S'appuyant sur ses compétences acquises dans les soins palliatifs, en faisant des rituels de deuil, Edith les aide à tourner la page de ce qu'elles ont été et de ce qu'elles ne pourront jamais avoir été. Une personne qui a eu une enfance de petit garçon, n'aura jamais eu une enfance de petite fille. Il faut parvenir à faire le deuil et à intégrer cela dans sa personnalité.

En ce qui concerne l'accompagnement des personnes intersexes, c'est différent, c'est plutôt de l'écoute étant donné que les conditions de l'intersexuation sont très multiples et très variées ; on est toujours obligé de s'en référer aux médecins et on se retrouve toujours face à un mur, il n'y a pas d'équipe qui nous prenne en compte en tant qu'accompagnant ou association.

Nous avons un autre axe de travail important qui est un travail avec les universitaires. Nous avons participé, au printemps dernier, à un séminaire à Lausanne organisée par la philosophe Cynthia Krauss sur le genre et les intersexués, durant lequel nous avons rencontré des psychiatres, des sociologues, des anthropologues. La prochaine étape est de faire passer notre message et notre parole auprès du milieu médical et du milieu universitaire. Le but c'est de dire que nous existons, que nous ne voulons plus être invisibilisés. Ca commence à se mettre en place. Nous voulons diffuser notre parole et faire émerger la voix des intersexes au côté des communautés LGBT pour faire changer le regard que l'on porte sur nous, notamment celui du milieu médical que l'on a fréquenté pour la plupart d'entre nous, et malgré nous, très tôt dans notre existence ; nous sommes des êtres humains comme les autres et non pas uniquement des sujets, cobayes de traitements médicaux.

L'intersexualité est un questionnement individuel qui persiste longtemps après l'intervention chirurgicale subie en général dans notre enfance. Les médecins pensent résoudre notre "problème" par ces interventions chirurgicales mais nous continuons à vivre avec cela et notre questionnement continue. Notre problématique, rejoint pour une grande part celle des homosexuelLEs et des transsexuelLEs et d'autres êtres humains qui se posent des questions sur leur identité et la place des individus dans la société, le genre et autres débats de ce genre.

La problématique importante qui nous concerne est la réappropriation de notre corps. Enormément de personnes ont été mutilées et sont passées par des boucheries. Nous, ce n'est pas "bistouri oui oui" mais c'est vraiment l'opposé que l'on revendique. Donc, ces personnes ont vraiment du mal à vivre après la chirurgie même s'il y a des reconstructions ; on voudrait les aider à vivre dans le corps qu'elles ont et pouvoir se trouver bien après. Les intersexes ont bien un corps physique mais ils vivent à côté et parviennent difficilement à mettre l'un dans l'autre et à dire "c'est mon corps".

Une des prochaines revendications qui sera un combat vraiment très difficile sera de faire admettre à la société et en particulier au corps médical, et aux familles que nous puissions exister sans avoir de modifications physiques de notre corps. La plupart du temps, les enfants sont opérés sans qu'il y ait urgence ou nécessité médicale. Simplement, les médecins trouvent que le pénis est trop petit, ou le clitoris est trop grand. On voudrait que les enfants, lorsqu'ils ont un certain âge puisse s'auto-déterminer par rapport à ce qu'ils voudraient être.

La liberté et l'autonomie de chacun devraient être reconnues. Ce n'est pas parce que l'on est intersexes et un peu différents que l'on n'a pas les mêmes droits que les autres personnes. A la naissance, une décision a été prise à notre place. Parfois, les parents sont au courant et d'autres pas du tout et lorsque l'on grandit et que l'on s'aperçoit que l'on n'est pas ce que l'on nous a FAIT, et que l'on veut revenir à l'état d'origine et nous réapproprier notre corps, on se heurte à l'éthique comme l'appelle les médecins et on ne peut pas. Si on veut changer son corps, alors que eux ne se sont pas gênés pour le faire, en nous administrant des hormones ou en enlevant ce qu'il y avait en trop, ce n'est pas possible. Et là, l'OII peut nous aider en se faisant notre porte parole avec le soutien des autres communautés, essentiellement les trans' auprès de qui nous avons beaucoup de soutien.

Pour justifier les interventions, les psychiatres disent aux parents que ce n'est pas possible d'élever un enfant qui ne soit ni un garçon ni une fille. Les normes de la société sont tellement fortes qu'il est difficile de savoir ce que l'on aurait choisi si nous avions eu la possibilité de nous exprimer à la naissance. Mais à partir du moment où il n'y a pas d'incidence sur la santé, il n'y a pas à opérer.

C'est assez paradoxal, il est très facile de se faire refaire le nez mais lorsque tu veux te réapproprier ton corps d'origine, cela devient insurmontable.

Sur le même sujet, on peut aborder les mutilations sur le corps des femmes depuis très longtemps. Le mouvement intersexe et intergenre est un mouvement jeune. Mais lorsque l'on parle de convergence des luttes, au regard des luttes féministes et des luttes homosexuelles, on retrouve beaucoup de points en commun. Si tu n'as pas un corps conforme institué par la loi et par le système bio-médical, si ton genre n'est pas conforme, si ta sexualité n'est pas conforme, à ce moment là il faut te traiter et te guérir et s'il le faut, contre ton gré. On essaie de faire rentrer les corps et les personnes dans le système hégémonique au lieu de permettre à plus de gens de vivre mieux finalement.

Les homosexuelLEs ont été psychiatriséEs, les transsexuelLEs pour avoir accès à des traitements doivent être diagnostiquéEs "dysphorie de genre" ou en tout cas étiquettéEs maladie mentale. Les homos ont disparu du DSM4 qui est le manuel de diagnostic psychiatrique américaine. Etre homosexuel n'est plus une maladie pourtant ça l'a été, ça a été un crime et on considère qu'il est aujourd'hui possible de réussir sa vie en étant homo. Alors que pour les intersexués on est encore à dire qu'on ne peut pas réussir sa vie conservant le corps d'origine. Pourtant, même si ce n'est pas évident, pas facile pour les premiers qui pourront vivre sans subir d'intervention, ce sera possible.

C'est vrai qu'il existe un paradoxe dans une société où tout le monde demande à avoir un corps "refait" que ce soit par le bodybuilding ou la plastie, nous, nous revendiquons, bêtement, d'avoir notre corps d'origine. Nous sommes vraiment à contre courant de l'image médiatique habituelle ; c'est aussi en cela qu'il y a des synergies avec notamment des luttes féministes ou, pour la France, des associations de femmes obèses, … ou encore la lutte des sourds pour être acceptés en tant que tel et non être considérés comme handicapés.

La technologie est là aujourd'hui pour modifier toutes sortes de choses sur le corps et ce que l'OII désire, en fait c'est que ce soit la personne qui décide, que l'enfant grandisse jusqu'à ce qu'il soit en mesure de savoir s'il veut que son corps ou s'il veut le normaliser vers un genre ou vers l'autre.

Certains intersexes se définissent comme étant "homme" et d'autres comme étant "femme" et d'autres un peu des deux ; intergenre c'est ce qui correspond à l'intérieur de la personne. Il y a donc des personnes qui ne parviennent pas à se reconnaître dans le genre "homme" ou dans le genre "femme" et sont entre les deux. Et ces personnes n'ont vraiment pas leur place dans la société. Lorsque l'on essaie d'exister on ne peut pas car obligés de mettre soit un F soit un M.

C'est difficile à concevoir car on est obligé de se référer inévitablement à un des deux pôles existant et défini par le système. Certains d'entre nous ont inventé d'autres termes comme "exo-genre" qui signifie être en dehors de la norme ou multi-genre car parfois un peu "homme", un peu "femme" ou rien du tout ou polygenre.

Un de nos buts premiers, c'est de faire de l'information et de la sensibilisation du public, des médias, des institutions d'enseignement, les professionnels de la santé, les professionnels des milieux sociaux et des milieux juridiques aussi, car comme les trans' on a un problème d'identité civile car il y a des personnes à qui on attribue un sexe et lorsque l'enfant grandit, on se rend compte que c'est pas du tout ça et ils doivent pouvoir changer d'identité civile sans devoir passer par une transition de transexualisme. En Belgique, il y a une nouvelle loi sortie le 6 juillet et on craint que les intersexués soient obligés de faire une transition de 2 ans uniquement pour pouvoir changer leur état civil.

C'est ce qui se passe en France, avec le témoignage d'Arthur.

On a déjà des problèmes d'identité au départ, à la naissance, on ne sait pas très bien si c'est une petite fille ou un petit garçon et lorsque l'enfant grandit on se rend compte qu'il n'a pas été assigné dans le bon sexe et lorsqu'il veut rétablir, l'enfant doit faire un parcours de transsexuelLE. Et c'est un sacré boulot de se réapproprier son identité et son corps, c'est le rôle des associations.

On parlait tout à l'heure de personne X0, ce qu'il faut savoir c'est qu'un être humain "normal" a 46 chromosomes et une personne X0 a 22 paires de chromosomes plus un "X" ; certain se pose la question de savoir s'il s'agit encore d'un être humain, en apparence "oui" ; il s'agit du syndrome de turner qui affecte les petites filles et les personnes d'apparence féminine c'est une précision que l'on voulait apporter mais on a pas vraiment expliqué quelles pouvaient être toutes les "variétés".

Il y a véritablement l'émergence d'une parole de l'intersexualité. On ne veut pas se la laisser prendre par les médecins et les psy comme, et là, c'est une convergence de lutte, comme les transsexuelLes ou comme les homosexuelLes, à l'époque ou même comme les mères ou les féministes qui se font systématiquement voler leur parole par le milieu médical.

 

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