Helène : des années FHAR à Act-up Paris - à écouter sans modération

"je suis une fille publique je n'appartiens à personne"

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Jeudi, nous recevions Hélène Hazera, figure historique du mouvement trans’ en France. Elle nous a fait part de son expérience de militante, du sida chez les trans’, ...

Nous parlerons également de l'AG des trans’ et de la marche Existrans 2005 du 01/10/05.

 

Les photos et l'enregistrement en bas de page


LES ANNONCES :

 

ACTUALITES :

AG trans' 30/9/05 de 18 à 22 heures (plus d'infos)

Le 1/10 la marche existrans 9ème édition : Sophie de l'ASB est venue nous en dire plus et nous précise que nous observerons 3mns de silence en mémoire d'une fille assassinée par pure transphobie sur marseille (47 coups de couteau, décapitée, prothèses arrachées au couteau et les organes sexuels dans la bouche) (plus d'infos)


L'INVITEE : extraits choisis ...

Madame Hélène Hazéra, à vous : oui ce sera Mademoiselle, je suis une fille publique je n'appartiens à personne


Moi je vais à l'existrans depuis un bout de temps ...

Lors de ma première existrans, j'étais à la CNT à l'époque ; c'était Tom qui tenait le mégaphone qui appartenait à la CNT et ça m'a vraiment fait chaud au cœur, car je le dis, je suis de culture libertaire

Si je peux donner l'impression à des gens un peu perdus qu'on peut le faire, je dis que l'on peut être trans et 20 ans journalisteà libé, qu'on peut être trans et productrice à France culture, évidemment, ça fait plaisir, mais ce qui fait aussi plaisir c'est que l'on peut être trans' et se bouger un peu le cul pour les autres ;

J'avais 14 ans lorsque j'ai fait ma première manif, au moment de la guerre du Vietnam ; j'adore les manifs, j'aime la façon dont les gens se montrent lors des manifs, j'aime marcher au milieu des rues, c'est une autre façon d'occuper l'espace, ça vous redonne de l'espoir en l'humanité quand même …

je sais pas s'il y a une communauté trans mais ce qui est évident c'est qu'il y a une population trans ; historiquement, ce qui m'a formée, c'est l'anthropologie notamment les histoires chez les amérindiens : comment chez cette population les personnes transgenres existent et sont plus ou moins acceptées.

Mon questionnement consiste à dire pourquoi au moment où le monothéisme s'installe, s'installent aussi les fantaisies sexuelles et identitaires ; c'est-à-dire qu'au moment où dans un livre religieux on écrit "l'homme" qui s'habille en "femme" doit être puni de mort, au mépris du décalogue qui dit "tu ne tueras point", il y a ici une contradiction entre deux textes religieux ;
Les plus anciennes traces de la civilisation c'est sumer où existe 14 termes différents pour qualifier l'homosexuel passif et parmi ces 14 termes, il y a des personnes qui déjà ont des prénoms féminins et vivent complètement en "femme" ; donc, pourquoi la tradition d'acceptation de ces conduites-là, tout à coup s'est arrêtée ?

les 1eres trans que j'ai vues c'est au fhar que je qualifie mouvement héro-libertaire car c'était quand même un mouvement pour la liberté ; j'avais 18ans lorsque je suis arrivée au FHAR et on m'appelait plus souvent madame que monsieur dans la rue mais c'est vrai que c'était la période hippies et on pouvait se laisser pousser les cheveux sans qu'on vous emmerde

puis j'ai rencontré marie-France, on est devenue amies et j'ai commencé à ne plus vouloir me démaquiller dans les ascenseurs lorsque je rentrais chez moi ; je travaillais à la cinemathèque et je préparais l'idhec et le directeur de cet établissement a dit qu'on pouvait pas me faire rentrer dans cet établissement ce serait trop scandaleux …

des années après, je travaillais à libé, j'étais critique et il avait invité des gens à venir parler ; j'aurais très bien pu y aller et dire devant ces élèves ce que son refus de m'accepter à l'idhec avait eu de discriminatoire, le résultat que ça a eu sur ma vie mais j'ai pas eu le culot
Je crois que j'aurais dû y aller car quand on tire le tapis sous les pieds, on tombe ; 5 ans de prostitution ; je me suis retrouvée dans le milieu de pigalle où j'ai fait la connaissance des filles du Caroussel.

Je sais quelle vie épouvantable on leur faisait, il n'y en a pas une qui ne soit pas allée en prison un jour ou l'autre

Il faut imaginer, qu'à cette époque, les "garçonnes", les lesbiennes qui s'habillaient en homme, si elles avaient une braguette, on les emmenait au poste.

Certaines me racontaient comment les gardiens les vendaient aux autres détenus.

J'ai le souvenir que parmi les filles de pigalle, il y avait une fille qui avait était déportée dans les camps parce que juive ; elle a eu la vie sauve grâce à un infirmier qui l'a cachée le jour où elle devait passer à la chambre à gaz ; elle s'est donc retrouvée après la guerre à pigalle et elle me racontait qu'elles passaient leur vie au poste ; en octobre 61 elles ont assisté aux rafles des algériens avec le système, les flics en ligne, le type arrive, le coup au visage, la personne se protège le visage et le flic donne un coup dans les parties génitales et celle qui avait été déportée me disait c'est comme ça qu'on nous "accueillait" dans les camps nazis

Je ne veux pas me mettre un voile noir, cette vie, je l'ai choisie, je revendique qu'être trans, même si c'est imposé, c'est une liberté parce qu'on peut avoir la liberté de ne pas le faire … mais si on décide de ne pas le faire, on devient fou

Je suis très heureuse, j'ai l'impression d'avoir contribué à changer l'image que les gens ont des trans'

Pigalle c'était 70 ; je suis arrivée au fhar ; ce sont les femmes qui ont créé le fhar et les mecs sont arrivés et les ont foutues dehors ; il y avait des trans' au FHAR ;

J'ai été envoyée à Londres par le fhar où j'ai proclamé "beware of gay power it's becoming international attention au pouvoir gay, c'est en train de devenir international"

J'ai fait la banderole de la 2ème marche du fhar qui était "prolétaires de tous les pays, caressez-vous" ; ça voulait dire, ce qu'on voulait c'était "tendre la main vers les autres, les hétéros

Il y avait aussi "le comité pédérastique de la sorbonne" fondé par guy la bretonne qui distribuait des tracts dans les pissotières et ceux qui théorisaient à new-york …

A l'époque il y avait une vraie déconstruction du genre

Je vais vous faire un aveu, une fois que le "R" [de révolutionnaire] est tombé, j'ai commencé à m'ennuyer

Bon, autant balayer devant sa porte et se retrouver dans une usine et être le mieux payé possible mais pour moi, le "R" représentait un côté universel, il n'y avait plus le mot révolution, je me sentais moins bien ;

Je suis fan d'Emma Goldman et dans sa biographie elle raconte, on est en 1900, la contraception était interdite a new-york ; elle monte des comités pour la contraception où elle gommait ses idées libertaires pour travailler avec tous ceux qui défendait la contraception ; on peut avoir son petit combat pour l'abolition des classes mais à côté on peut avoir des combats parcellaires où on va se dépouiller de son "idéologie" …

Mon âge c'est mon honneur ;

Ca m'a fait plaisir de voirà act-up, de savoir que j'avais un p'tit frère ; j'étais fière de dire "il y a un trans' et il vient se battre pour ceux qui ont le sida"

Qu'est-ce qui s'est passé ? dans l'avènement de ce qu'est le militantisme actuel et le FHAR qui demandait la dé-psychiatrisation ;

Je ne fais pas de différence entre une trans' qui a le sida et une mère de famille africaine qui a le sida ;

On a vu se développer un "nationalisme homo" et une fois qu'ils sont arrivés aux affaires, dans les ministères en 81 on n'existait plus ; on a obtenu des trucs à travers les choses que tout le monde a obtenu, c'est-à-dire : le pacs permet à une trans' qui n'a pas de papier féminin de faire un contrat avec sa copine ; et une chose très importante, le RMI qui a permis aux personnes acculées à la prostitution de plus ou moins s'en retirer… mais en tant que trans', on a rien obtenu

Ce qui est étonnant, c'est qu'il y avait un sénateur, le sénateur Caillavet, le "sénateur des trans'", le sénateur des athés qui avait fait des projets de loi qui ont été refusés, qui faisaient ricaner les gens …

Sur des petits détails comme ça, on voit comme ce système est vermoulu

Après le zap à sainte anne, on s'est retrouvé devant des médecins et je me suis dit mais c'est le 19ème siècle !!! des vieux croutons qui osent parler de fascisme le fait d'interrompre ce séminaire, à sainte anne, où ils ont laissé mourir des gens pendant la guerre en suivant la théorie d'alexis carrel disant qu'il faut éliminer les faibles etc ; parler de fascisme et de nazisme à sainte anne c'est parler de corde dans la maison du pendu !

A stone wall, à la base, ce sont les trans qui se sont rebelléEs ; c'était pas les gays ; dans l'histoire du monde libertaire ; les libertaires ont souvent l'habitude de lancer un débat que tout le monde hurle et 20 ans après, les autres se l'approprient

Les filles qui allaient en cabaret travailler en suisse, chaque mois, empruntaient une certaine ligne de chemin de fer et il y avait un douanier qui les attendaient et qui les empêchait de rentrer en suisse si elles n'avaient pas de relations sexuelles avec lui

Je suis activiste d'act-up. Un de mes plus beaux souvenirs c'est l'action contre les laboratoires pfizer qui avaient trouvé le moyen de bloquer les contrats afin que les médicaments arrivent enfin dans le tiers monde ; on a un peu changé la déco ; j'ai profité de la présence de la télé pour hurler "l'Afrique crève de vos bénéfices"

Act-up est une maison de retraite parfaite pour vielle dame dissipée

Je connais le fondateur d'act-up, didier lestrade, depuis 20 ans. Cette enclume du sida nous est tombée sur la tête ; on l'appelait le cancer gay mais on oubliait que les gens du tiers monde, les toxicomanes étaient eux aussi touchés ; on était terrifié …

J'ai perdu beaucoup d'amiEs du sida ; je me suis infectée par fellation ; il m'a fallu 5 ans de thérapie pour admettre que sucer sans préservatif c'était dangereux ; évidemment si la prévention avait été mieux faite … quand aujourd'hui je vois que certains groupes disent le contraire j'ai des envie de meurtre …

Le truc chez les trans avec le sida, c'est que le sida brise ta féminité ; tu te retrouves à re-basculer dans la période de transition avec la violence urbaine ;

Dans la rue il m'arrive de me faire taper ; je ne m'écrase pas ; je ne traite pas les gens d'enculé mais d'ennemi de la liberté ;

Je suis arrivée à act-up car je voyais qu'autour de moi les jeunes qui recommençaient à faire des conneries ; chaque fois que j'entends une nouvelle contamination c'est horrible ;

j'ai eu une étude qui est tombée et qui disait qu'aux us il s'avère que 30% des transgenres et transsexuels ont le sida et que c'était la communauté la plus touchée et que pendant 20 ans on n'en avait pas parlé ; et tout à coup, j'ai regardé mon carnet d'adresses, j'ai vu toutes les copines qui étaient mortes, dans un si petit milieu, c'était évident … il fallait faire une commission trans' ;

Tous les combats se réunissent par exemple, le combat pour la dé psychiatrisation, il faut voir ce qu'ils faisaient il y a 30 sur les homos, les lobotomies, les décharges électriques … La psychiatrisation, ça leur permet de faire toutes les maltraitances …

Il faut socialiser le combat, c'est important de réussir dans ton travail car tu ouvres une porte aux autres

Je lis beaucoup les noirs américains car ce contre quoi on se bat ce sont les discriminations et les noirs américains sont maîtres en matière de lutte contre les discriminations"

 

ENREGISTREMENT :

1ère partie (3640 Ko)
2ème partie (3570 Ko)
3ème partie (3820 Ko)
4ème partie (4070 Ko)

 

et ... les photos !

 

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