Moi je vais à l'existrans depuis un bout
de temps ...
Lors
de ma première existrans, j'étais à la CNT à
l'époque ; c'était Tom qui tenait le mégaphone
qui appartenait à la CNT et ça m'a vraiment fait chaud
au cœur, car je le dis, je suis de culture libertaire
Si je
peux donner l'impression à des gens un peu perdus qu'on peut
le faire, je dis que l'on peut être trans et 20 ans journalisteà
libé, qu'on peut être trans et productrice à France
culture, évidemment, ça fait plaisir, mais ce qui fait
aussi plaisir c'est que l'on peut être trans' et se bouger un
peu le cul pour les autres ;
J'avais
14 ans lorsque j'ai fait ma première manif, au moment de la guerre
du Vietnam ; j'adore les manifs, j'aime la façon dont les gens
se montrent lors des manifs, j'aime marcher au milieu des rues, c'est
une autre façon d'occuper l'espace, ça vous redonne de
l'espoir en l'humanité quand même …
je sais
pas s'il y a une communauté trans mais ce qui est évident
c'est qu'il y a une population trans ; historiquement, ce qui m'a formée,
c'est l'anthropologie notamment les histoires chez les amérindiens
: comment chez cette population les personnes transgenres existent et
sont plus ou moins acceptées.
Mon
questionnement consiste à dire pourquoi au moment où le
monothéisme s'installe, s'installent aussi les fantaisies sexuelles
et identitaires ; c'est-à-dire qu'au moment où dans un
livre religieux on écrit "l'homme" qui s'habille en
"femme" doit être puni de mort, au mépris du
décalogue qui dit "tu ne tueras point", il y a ici
une contradiction entre deux textes religieux ;
Les plus anciennes traces de la civilisation c'est sumer où existe
14 termes différents pour qualifier l'homosexuel passif et parmi
ces 14 termes, il y a des personnes qui déjà ont des prénoms
féminins et vivent complètement en "femme" ;
donc, pourquoi la tradition d'acceptation de ces conduites-là,
tout à coup s'est arrêtée ?
les
1eres trans que j'ai vues c'est au fhar que je qualifie mouvement héro-libertaire
car c'était quand même un mouvement pour la liberté
; j'avais 18ans lorsque je suis arrivée au FHAR et on m'appelait
plus souvent madame que monsieur dans la rue mais c'est vrai que c'était
la période hippies et on pouvait se laisser pousser les cheveux
sans qu'on vous emmerde
puis
j'ai rencontré marie-France, on est devenue amies et j'ai commencé
à ne plus vouloir me démaquiller dans les ascenseurs lorsque
je rentrais chez moi ; je travaillais à la cinemathèque
et je préparais l'idhec et le directeur de cet établissement
a dit qu'on pouvait pas me faire rentrer dans cet établissement
ce serait trop scandaleux …
des
années après, je travaillais à libé, j'étais
critique et il avait invité des gens à venir parler ;
j'aurais très bien pu y aller et dire devant ces élèves
ce que son refus de m'accepter à l'idhec avait eu de discriminatoire,
le résultat que ça a eu sur ma vie mais j'ai pas eu le
culot
Je crois que j'aurais dû y aller car quand on tire le tapis sous
les pieds, on tombe ; 5 ans de prostitution ; je me suis retrouvée
dans le milieu de pigalle où j'ai fait la connaissance des filles
du Caroussel.
Je sais
quelle vie épouvantable on leur faisait, il n'y en a pas une
qui ne soit pas allée en prison un jour ou l'autre
Il faut
imaginer, qu'à cette époque, les "garçonnes",
les lesbiennes qui s'habillaient en homme, si elles avaient une braguette,
on les emmenait au poste.
Certaines
me racontaient comment les gardiens les vendaient aux autres détenus.
J'ai
le souvenir que parmi les filles de pigalle, il y avait une fille qui
avait était déportée dans les camps parce que juive
; elle a eu la vie sauve grâce à un infirmier qui l'a cachée
le jour où elle devait passer à la chambre à gaz
; elle s'est donc retrouvée après la guerre à pigalle
et elle me racontait qu'elles passaient leur vie au poste ; en octobre
61 elles ont assisté aux rafles des algériens avec le
système, les flics en ligne, le type arrive, le coup au visage,
la personne se protège le visage et le flic donne un coup dans
les parties génitales et celle qui avait été déportée
me disait c'est comme ça qu'on nous "accueillait" dans
les camps nazis
Je ne
veux pas me mettre un voile noir, cette vie, je l'ai choisie, je revendique
qu'être trans, même si c'est imposé, c'est une liberté
parce qu'on peut avoir la liberté de ne pas le faire …
mais si on décide de ne pas le faire, on devient fou
Je suis
très heureuse, j'ai l'impression d'avoir contribué à
changer l'image que les gens ont des trans'
Pigalle
c'était 70 ; je suis arrivée au fhar ; ce sont les femmes
qui ont créé le fhar et les mecs sont arrivés et
les ont foutues dehors ; il y avait des trans' au FHAR ;
J'ai
été envoyée à Londres par le fhar où
j'ai proclamé "beware of gay power it's becoming international
attention au pouvoir gay, c'est en train de devenir international"
J'ai
fait la banderole de la 2ème marche du fhar qui était
"prolétaires de tous les pays, caressez-vous" ; ça
voulait dire, ce qu'on voulait c'était "tendre la main vers
les autres, les hétéros
Il y
avait aussi "le comité pédérastique de la
sorbonne" fondé par guy la bretonne qui distribuait des
tracts dans les pissotières et ceux qui théorisaient à
new-york …
A l'époque
il y avait une vraie déconstruction du genre
Je vais
vous faire un aveu, une fois que le "R" [de révolutionnaire]
est tombé, j'ai commencé à m'ennuyer
Bon,
autant balayer devant sa porte et se retrouver dans une usine et être
le mieux payé possible mais pour moi, le "R" représentait
un côté universel, il n'y avait plus le mot révolution,
je me sentais moins bien ;
Je suis
fan d'Emma Goldman et dans sa biographie elle raconte, on est en 1900,
la contraception était interdite a new-york ; elle monte des
comités pour la contraception où elle gommait ses idées
libertaires pour travailler avec tous ceux qui défendait la contraception
; on peut avoir son petit combat pour l'abolition des classes mais à
côté on peut avoir des combats parcellaires où on
va se dépouiller de son "idéologie" …
Mon
âge c'est mon honneur ;
Ca m'a
fait plaisir de voirà act-up, de savoir que j'avais un p'tit
frère ; j'étais fière de dire "il y a un trans'
et il vient se battre pour ceux qui ont le sida"
Qu'est-ce
qui s'est passé ? dans l'avènement de ce qu'est le militantisme
actuel et le FHAR qui demandait la dé-psychiatrisation ;
Je ne
fais pas de différence entre une trans' qui a le sida et une
mère de famille africaine qui a le sida ;
On a
vu se développer un "nationalisme homo" et une fois
qu'ils sont arrivés aux affaires, dans les ministères
en 81 on n'existait plus ; on a obtenu des trucs à travers les
choses que tout le monde a obtenu, c'est-à-dire : le pacs permet
à une trans' qui n'a pas de papier féminin de faire un
contrat avec sa copine ; et une chose très importante, le RMI
qui a permis aux personnes acculées à la prostitution
de plus ou moins s'en retirer… mais en tant que trans', on a rien
obtenu
Ce qui
est étonnant, c'est qu'il y avait un sénateur, le sénateur
Caillavet, le "sénateur des trans'", le sénateur
des athés qui avait fait des projets de loi qui ont été
refusés, qui faisaient ricaner les gens …
Sur
des petits détails comme ça, on voit comme ce système
est vermoulu
Après
le zap à sainte anne, on s'est retrouvé devant des médecins
et je me suis dit mais c'est le 19ème siècle !!! des vieux
croutons qui osent parler de fascisme le fait d'interrompre ce séminaire,
à sainte anne, où ils ont laissé mourir des gens
pendant la guerre en suivant la théorie d'alexis carrel disant
qu'il faut éliminer les faibles etc ; parler de fascisme et de
nazisme à sainte anne c'est parler de corde dans la maison du
pendu !
A stone
wall, à la base, ce sont les trans qui se sont rebelléEs
; c'était pas les gays ; dans l'histoire du monde libertaire
; les libertaires ont souvent l'habitude de lancer un débat que
tout le monde hurle et 20 ans après, les autres se l'approprient
Les
filles qui allaient en cabaret travailler en suisse, chaque mois, empruntaient
une certaine ligne de chemin de fer et il y avait un douanier qui les
attendaient et qui les empêchait de rentrer en suisse si elles
n'avaient pas de relations sexuelles avec lui
Je suis
activiste d'act-up. Un de mes plus beaux souvenirs c'est l'action contre
les laboratoires pfizer qui avaient trouvé le moyen de bloquer
les contrats afin que les médicaments arrivent enfin dans le
tiers monde ; on a un peu changé la déco ; j'ai profité
de la présence de la télé pour hurler "l'Afrique
crève de vos bénéfices"
Act-up
est une maison de retraite parfaite pour vielle dame dissipée
Je connais
le fondateur d'act-up, didier lestrade, depuis 20 ans. Cette enclume
du sida nous est tombée sur la tête ; on l'appelait le
cancer gay mais on oubliait que les gens du tiers monde, les toxicomanes
étaient eux aussi touchés ; on était terrifié
…
J'ai
perdu beaucoup d'amiEs du sida ; je me suis infectée par fellation
; il m'a fallu 5 ans de thérapie pour admettre que sucer sans
préservatif c'était dangereux ; évidemment si la
prévention avait été mieux faite … quand
aujourd'hui je vois que certains groupes disent le contraire j'ai des
envie de meurtre …
Le truc
chez les trans avec le sida, c'est que le sida brise ta féminité
; tu te retrouves à re-basculer dans la période de transition
avec la violence urbaine ;
Dans
la rue il m'arrive de me faire taper ; je ne m'écrase pas ; je
ne traite pas les gens d'enculé mais d'ennemi de la liberté
;
Je suis
arrivée à act-up car je voyais qu'autour de moi les jeunes
qui recommençaient à faire des conneries ; chaque fois
que j'entends une nouvelle contamination c'est horrible ;
j'ai
eu une étude qui est tombée et qui disait qu'aux us il
s'avère que 30% des transgenres et transsexuels ont le sida et
que c'était la communauté la plus touchée et que
pendant 20 ans on n'en avait pas parlé ; et tout à coup,
j'ai regardé mon carnet d'adresses, j'ai vu toutes les copines
qui étaient mortes, dans un si petit milieu, c'était évident
… il fallait faire une commission trans' ;
Tous
les combats se réunissent par exemple, le combat pour la dé
psychiatrisation, il faut voir ce qu'ils faisaient il y a 30 sur les
homos, les lobotomies, les décharges électriques …
La psychiatrisation, ça leur permet de faire toutes les maltraitances
…
Il faut
socialiser le combat, c'est important de réussir dans ton travail
car tu ouvres une porte aux autres
Je lis
beaucoup les noirs américains car ce contre quoi on se bat ce
sont les discriminations et les noirs américains sont maîtres
en matière de lutte contre les discriminations"